Voyage dans le futur: prévisionnels, sortie de l'investisseur...
8 novembre, 10h : Cela fait une heure que je présente mes prévisionnels à mon possible partenaire financier. Depuis le 4 novembre et durant tout le week-end, j’ai « mouliné » les chiffres et hypothèses. C’est beaucoup plus facile que pour une création d’entreprise from scratch : j’ai de la matière avec l’historique des résultats. L’objectif est de faire des prévisions qui soient crédibles, justifiables, capables de rembourser l’énorme prêt bancaire lié au montage du LBO (environ 40% du prix de cession), sans trop me mettre la pression en tant que futur dirigeant de cette entreprise, et qui répondent à l’objectif de mon investisseur, à savoir lui présenter une perspective de TRI (taux de rendement interne) de l’ordre de 25% par an, sur 6 à 7 ans.
Il faut effectivement rappeler qu’un investisseur qui rentre à vos côtés dans le capital d’une société voudra également en sortir. Dans un LBO, la sortie est prévue à environ 7 ans avec un capital investi qui devra être, au minimum, multiplié par 3 ou 4 (équivalent à un TRI annuel de 25%).
Il est en fait nécessaire de prendre en considération les objectifs des trois parties prenantes : le cédant, le repreneur et l’investisseur. Vous moulinez le tout, une petite pincée d’innovation, d’international et vous obtenez un projet de deal win win win.
- Objectif du repreneur : sans en avoir les moyens financiers, reprendre un entreprise rentable avec de belles perspectives, se faire un salaire de 200 000 euros par an et rouler en Porche Cayenne…
- Objectif du cédant : valoriser au mieux son entreprise et la céder au candidat à la reprise, le plus séduisant. Je précise que dans un LBO de ce type, je ne crois pas que le cession se fera au plus offrant. Le cédant est à un niveau de prix de cession qu’il n’avait pas imaginé. Il n’a pas développé cette affaire dans un but spéculatif. Il a une forte culture du résultat et a parfaitement exécuté son plan de développement. Conséquence, à 49 ans, il va bientôt pouvoir devenir cigale après avoir été fourmi (un peu de poésie dans les affaires, ça ne fait pas de mal….), il cédera donc au candidat à la reprise qui respectera les valeurs de l’entreprise et qui présentera un beau projet de développement. Ceci ne réduit pas néanmoins à néant l’épineux problème de la valorisation.
- Objectif de l’investisseur : pas de poésie mais un TRI de 25% à la sortie de l’opération.
Pour mon objectif, on oublie le salaire et le Cayenne : je plaisantais. En fait, dans un LBO, l’investisseur qui m’a fait remarquer plusieurs fois que mon investissement de 2,8% est « léger », mais très lourd pour moi, va regarder avec attention si je ne me paye pas une belle situation avec la reprise de cette société ; la priorité étant le remboursement de la dette bancaire liée au prêt. J’ai donc été « fair » (mot anglais largement utilisé dans le milieu de l’investissement pour désigner une attitude juste et équitable) avec un salaire fixe de 65000 euros et une partie variable basée sur l’EBIT de la société (résultat net). Pour la voiture, ce n’est vraiment pas un problème qui me préoccupe.
8 novembre, 12h : la réunion de présentation des prévisionnels s’est bien déroulée. Au cours de celle-ci, le directeur général de la société de capital investissement a fait une incursion dans le bureau du directeur associé. L’air de rien, il m’a fait son petit entretien d’évaluation pendant une dizaine de minutes puis il est reparti. Pas vraiment de cordialité dans cet entretien ; je n’étais pas en face d’un philanthrope mais d’un financier pur jus : taille de marché, objectifs, résultats…encore un elevator pitch (voire épisode 2 pour cette expression) avec des questions très directes du directeur général.
13h, la réunion se termine, mon possible partenaire financier va étudier, décortiquer mes tableaux prévisionnels et l’on se reverra le 16 novembre prochain, à 14h. Objectif de la réunion : les prévisions, encore…et la présentation d’un projet de contrat d’assistance et de collaboration où l’investisseur me demande maintenant de lui accorder l’exclusivité de collaboration sur ce projet de reprise ; ce n’est pas encore l’assurance que l’investisseur va s’engager à mes côtés mais ça se précise. Je commence à croire que l’on est sur la bonne voie.
Suite au prochain épisode.
Dans le prochain épisode, vous découvrirez que le planning se précise, mais qu'il va aussi être nécessaire de trouver un deuxième investisseur...c'était trop simple avec un seul investisseur; l'aventure continue mais les conditions de jeux sont pleines d'imprévu. Je ne suis pas encore sûr d'être sur la bonne voie; vivement le closing !
Bonjour Bruno,
Vraiment sympa ta série et très instructif. Ca donnerait presque envie de tenter l'aventure de la reprise pour changer :-) Vivement la suite.
Rédigé par : Laurent Bazet | 24 novembre 2004 à 17:06
Salut Laurent, après Loic et toi, tu vois, moi aussi je me suis lancé dans une série...
Rédigé par : Bruno | 24 novembre 2004 à 17:19
Je vous souhaite mes meilleurs voeux de réussite pour cette opération et vous félicite pour la transparence avec laquelle vous nous la racontez.
Rédigé par : Stéphane Bayle | 24 novembre 2004 à 19:21
Toujours aussi passionant. je crois que je sais de quel fonds il s'agit maintenant...
Attention petite coquille:
EBIT= Earnings before interests and taxes.
Net result= resultat net.
dans le cadre d'un LBO, mieux vaut indexer son salaire à l'EBIT !
bravo encore.
J.
Rédigé par : Julien Codorniou | 25 novembre 2004 à 01:20
Oups pour la coquille, I'm sorry Julien et merci Stéphane...
Rédigé par : Bruno | 25 novembre 2004 à 01:57
Ton style littéraire progresse d'épisode en épisode et l'intrigue devient insoutenable !!!
Mais tu as remarqué que j'essaye de ne pas te téléphoner à chaque fois pour savoir la suite avant publication ?!? En fait, je ne l'ai fait qu'une fois :-)
Rédigé par : Pierre-Olivier | 25 novembre 2004 à 17:45
Trop sympa Pierre-Olivier, mais surtout n'hésite pas à m'appeler... on parlera de la pluie et du beau temps !!!
Rédigé par : Bruno | 25 novembre 2004 à 17:53
Je suis en train de faire une levée de fonds qui se passe bien et c'est très tentant d'en faire un "journal".
J'ai d'ailleurs créé un blog pour celà.
Il faudrait que l'on se rencontre car ce sont de longs chemins solitaires ces levées de fonds.
Bravo
Rédigé par : Mathecowitsch | 25 novembre 2004 à 18:42
Crevindiou ! Mais c'est insoutenable comme suspens. Et dire que c'est du direct live. Mais tu as des nerfs d'acier mon garçon !
C'est le moment où il ne faut pas se laisser aller.
Keep focus ;-)
Rédigé par : Pierre | 25 novembre 2004 à 22:24
Tiens bon Pierre, crevindiou...je ne vais pas te ménager!!!!!
Rédigé par : Bruno | 25 novembre 2004 à 22:28